20.6.13

31 mai, 1, 2, 3, 4, 5 & 6 juin 2013

BELFAST !!

Dernière étape de mon voyage, Belfast est la "capitale" de l'Irlande du Nord (depuis 1921, c'est-à-dire depuis la partition de l'Irlande), avec quelques 280 000 habitants.



Belfast revient de loin; au cœur des "Troubles" entre les années 70 et 90, presque la moitié des victimes du conflit (soit environ 1500 personnes sur 3500) ont trouvé la mort dans cette ville.
Comme Derry, Belfast a ses quartiers protestants/loyalistes et ses quartiers catholiques/républicains tout autour du centre ville.





Belfast est une ville curieuse. Le centre ville fait assez vieux, assez "années 80"; des bâtiments hauts à l'architecture douteuse, qu'on entretient pas et qui vieillissent mal, côtoient de vieux monuments de briques rouges ou crèmes.
Les artères principales du centre ville sont donc bordées de hauts bâtiments, souvent sombres de surcroît; une ambiance est peu "défraîchie" pèse sur ces endroits je trouve, que j'ai bien du mal à photographier les premiers jours, d'où mon peu de photos de ces rues...


Une rue près du City Hall.

Immeuble désaffecté près de St Anne's Cathedral.

Vue du centre depuis Falls Road.


Et puis un peu au-dessus du City Hall, ça s'anime, on arrive dans les rues des commerces et des pubs, c'est un peu plus vivant ! Mais je trouve qu'on atteint quand même pas l'ambiance jeune et enjouée de ville comme Galway.


Le dimanche et le samedi matin, il y a un marché couvert, St George's Market. J'en ai pas vu souvent des marchés en Irlande, alors là j'y vais les deux matins de suite !

Pour le coup, l'ambiance est bien différente de celle des rues ! Ca parle et rit dans tous les sens, entres les stands d'artisanat et les étals de poissons, les plats géants de paëlla et les plateaux de cupcakes de toutes les couleurs, les gens s'attablent, un groupe de musique se prépare, on goûte un petit morceau de fromage par là, on s'arrête devant un tableau par ici,... Le côté impersonnel fréquente dans les grandes villes s'efface ici dès qu'on entre !


Sur l'étal d'un brocanteur, des chaussons Maggie Tatcher ! 
Haha


Pour ma part je loge dans une auberge de jeunesse dans le quartier de l'université, Queen's University, autour de Botanic Street; quartier dit "mixte" ou encore "intégré"...
Ce quartier des Queen's est vraiment chouette, pas de grands immeubles, ou de bâtiments tout en verre; ici c'est briques rouges et trois étages max. Des grands arbres bordent les trottoirs et donnent de l'ombre aux terrasses des cafés - nombreux ici, c'est le quartier étudiant! Ici aussi on oublie un peu qu'on est dans une grande ville !


Dans la rue de mon auberge, les pancartes d'appartements à louer sont très nombreuses...


Vue derrière mon auberge...

A l'auberge... 



Devant un des bâtiments de l'université.



"Pour comprendre la situation en Irlande du Nord, rien ne remplacera une visite sur le terrain, là où des hommes et des femmes vivent, et se sont déchirés."

J'aime bien cette phrase de mon Guide du Routard.
Les principaux quartiers catholiques et protestants se trouvent dans West Belfast.
Je m'y rend donc, en commençant par le quartier catholique, dont la partie la plus connue est Falls Road

"Failte go Dti", c'est de l'irlandais, et ça veut dire "Bienvenue à West Belfast".
Emploi de la langue irlandaise = on est bien dans un quartier catholique/républicain !

Comme à Derry, les murs de Belfast parlent et disent encore l'histoire/les histoires de ces lieux et des gens d'ici.
De nouveau, les fresques seront mon fil rouge dans ces quartiers.

(Pour ne pas me perdre et trouver les fresques, je me fait un petit plan maison (et pas vraiment à l'échelle) du quartier de Falls Road...)


Dans une ruelle perpendiculaire à Falls Road...



"THATCHER ROT IN HELL" = "THATCHER BRÛLE EN ENFER"
Sur le "T" de "Thatcher", "CALM DOWN", "ON SE CALME".

Pour rappelle, Thatcher, alias "la Dame de Fer", a été Premier Ministre britannique entre 1979 et 1990.
Elle a eu le temps de faire beaucoup de choses durant cette période, et en ce qui concerne la "question irlandaise", elle est est surtout connue pour s'être montrée inflexible lors de la seconde grève de la faim, celle de 1981: elle a refusé d'accorder le statut de prisonnier politique aux républicains emprisonnés; Bobby Sands et 9 autres détenus trouvèrent la mort.
En 1984, elle échappe de peu à un attentat de l'IRA, qui la visait lors du Congrès annuel du Parti Conservateur au Royaume-Uni.

Et elle est morte quand j'étais en Irlande !! Incroyable !
D'ailleurs, de ce que j'ai pu en voir aux news irlandaises ce soir-là (et en lire dans la presse écrite française sur Internet), les personnalités politiques qu'on pouvait entendre à l'annonce de sa mort étaient des ministres anglais, européens, le président français, américain... et ils ont tous rivalisé de formules pour louer son travail, en éludant com-plè-te-ment les pires aspects du "thatchérisme"...  
Rien sur la "question irlandaise" notamment.
(Ou comment on RE-écrit l'Histoire à la mort de personnages publiques/politiques...!)


Sur Falls Road...
"L'oppression engendre la résistance."
"La résistance amène la liberté."


J'emprunte la rue Northumberland, qui va vers Shankill Road (quartier protestant).


Au bout de cette rue, de chaque côté de la route, deux lourdes "barrières de sécurité", ouvertes.

A droite, vers Falls Road; à gauche, vers Shankill.
Entre les deux, un espèce de no man's land, tronçon de rue entre deux portes, entre deux quartiers, qu'on peut isoler l'un de l'autre, en fermant ces lourdes portes.

Je n'arrive pas à trouver beaucoup d'informations sur ces portes. On m'a dit que ces portes étaient ouvertes en journée, refermées en soirée, et maintenues closes les jours de fêtes religieuses catholiques ou protestantes, et les jours de commémoration politique...Je lis aussi un article daté de 2011, qui annonce que pour la première fois à partir de cette date, les portes seront ouvertes les dimanche aussi....


Retour sur Falls Road



Je n'ai jamais parlé plus que ça de l'IRA, ça me semble évident, mais en fait peut-être pas tant que ça, alors, en quelques lignes, et en sautant des épisodes...: l'I.R.A, c'est l'Armée Républicaine Irlandaise, c'est le groupe paramilitaire républicain le plus important, qui prit les armes pour lutter contre la présence britannique, en Irlande, puis en Irlande du Nord. La "première" IRA, appelé Old IRA, apparaît en 1916, de l'union de deux autres groupes républicains, mais scissionne quelques années plus tard, en 1922, entre les pro-traités (ceux qui acceptent la partition de l'Irlande, avec la République d'Irlande d'un côté, et l'Irlande du Nord de l'autre, ralliée au Royaume-Uni), et les antis, qui forment une nouvelle IRA, illégale.
En 1969, après les émeutes d'août, l'IRA scissionne de nouveau, entre ceux qui portent une analyse "républicaine" de la situation, c'est la Provisional IRA, l'IRA Provisoire (PIRA), et ceux qui optent pour une analyse marxiste, c'est l'Official IRA, l'IRA Officielle (OIRA), dont l'aile politique est le Sinn Féin Officiel. En 1997, certains membres n'acceptent pas le processus de paix, et scissionne pour former la Real IRA (RIRA).
L'OIRA, annonce un cessez-le-feu en mai 1972, participe encore à quelques attaques dans les années qui suivent, mais dépose finalement les armes en 2010, après des années d'inactivités.
La PIRA annonce un ultime cessez-le-feu en 1997, et dépose finalement les armes en 2005.



"Le Repos du Rebel" est à vendre...

Au bout de Conway Street... Un mur ??!
J'y viendrai plus tard...


"Un pays, un drapeau
Fin de la partition
Dehors les britanniques*"
(*Je lis sur le superbe site http://cain.ulst.ac.uk/ que "Brits" fait plus référence aux soldats britanniques qu'aux gens en tant que tels.)

A droite: "...Notre vengeance sera le rire de nos enfants."

Bobby Sands, 1er gréviste de la faim à mourir à la prison de Long Kesh (ou Blocks H), en mai 1981.
Je ne crois pas être revenu vraiment sur cette grève de la faim, bien que je l'ai déjà mentionnée à plusieurs reprises...
Alors voilà. En 1976, le statut de prisonnier politique est supprimé, du coup les républicains internés (souvent sur la supposition qu'ils appartiennent à l'IRA) se retrouvent avec le statut de criminel.
A cela s'ajoute l'interdiction qui leur était faite d'organiser des activités (créatrices par exemple) au sein de la prison, et l'interdiction de recevoir des visites, des lettres...

En protestation, ils commencent en 1976 par refuser de porter l'uniforme des prisonniers, et restent donc nus ou enveloppés de leur couverture - d'où le nom de blanket protest.
En 1978, alors que ces détenus subissent les attaques du personnels, ils entament la "sale protestation", dirty protest: ils refusent de se laver, et étalent leur excréments sur les murs de leur cellule.
En 1980, première grève de la faim: le gouvernement britannique, devant la mort imminente d'un des grévistes, promet d'accéder à leurs demandes. La grève de la faim cesse après 53 jours, mi décembre 1980.

Mais début 1981, il est clair que le gouvernement ne tiendra jamais ses promesses, aussi, Bobby Sands (ex-officier commandant de l'IRA) entame une deuxième grève de la faim, le 1er mars 1981. 
Le 9 avril, toujours emprisonné et en grève de la faim, Bobby Sands est élu député à la Chambre des Communes du Royaume-Uni.
Le Pape intervient, la Commission Européenne des Droits de l'Homme,...
Mais Thatcher ne lâche rien.
Et Bobby Sands meurt le 5 mai.
Neufs autres le suivront jusqu'à l'arrêt de la grève, en octobre 1981.




Belfast est bordé à l'ouest par des petites montagnes, ici, Black Hill.


C'est drôle, j'ai pas fait gaffe en prenant cette photo, mais on voit sur la gauche des policiers, visiblement en train de mettre des PV aux voitures.
Ca me rappelle un passage du livre de Sorj Chalandon, Retour à Killybegs, autobiographie fictive de Tyrone Meehan, alias Denis Donaldson, qui a trahit l'IRA pendant 20 ans, avant que les britanniques ne vendent son rôle d'agent, et qu'il ne soit assassiné à Killybegs, dans la maison de ses parents, en 2007...
Dans le passage auquel je pense, Jack, le fils de Tyrone, vient de sortir de prison où il était détenu depuis 21 ans pour ses activités politiques. On est en 2000, soit deux ans après l'accord de paix...

"Jack m'a regardé. Je fixais la route. Tout ça pour ça ? C'était un début, je lui ai répondu. Il fallait un début à tout. Il n'y avait plus de patrouilles armées dans nos rues, plus de rafles, plus de contrôles. Les Britanniques démontaient leurs casernes, leurs miradors sur la frontière. Les policiers mettaient des contraventions aux voitures mal garées dans Falls Road. Tu te rends compte ? Des prunes sous les essuie-glaces, comme à Londres ou à Liverpool."

Les Blacks Taxis, qui sauvèrent des vie pendant les "Troubles" !
Aujourd'hui, ils servent toujours, et organisent des tours pour montrer les  principales fresques des quartiers aux touristes.


Une des premières fresques républicaines, souvent entretenue.
Au centre, un phénix, symbole de renaissance, de libération; autour les emblèmes des quatre provinces d'Irlande (de gauche à droite: Ulster, Connacht, Munster, Leinster)
A gauche: "Le peuple se souleva en 1969 (cf barricades dans les quartiers catholiques, comme à Derry); il le fera encore à tout moment"
A droite: "Maggie Thatcher réfléchit encore; ne laisse pas nos hommes courageux mourir en vain"


"Fianna Eireann", "Warriors of Ireland", "Combattants de l'Irlande", fondé pour la première fois en 1909, est le nom donné aux groupes de jeunes républicains (pendant la période de Troubles, de jeunes justement trop jeune pour s'engager à l'IRA).
Le soleil qui perce à l'horizon est leur emblème.


 "Éirí Amach na Cásca", "Easter Rising", "Le Soulèvement de Pâques".
En 1916, des irlandais républicains de Dublin s'insurgent pour abolir la suprématie de la loi britannique en Irlande, et établir une République d'Irlande. Après six jours de combats, les leaders sont traduits devant la justice militaire et exécutés. Mais cela réveille le républicanisme, et remet au goût du jour l'idée d'une résistance par la force.

Ce soulèvement est toujours célébré et commémoré aujourd'hui.
Sur ce mural, le drapeau irlandais en fond, un jeune volontaire armé devant le Bureau de Poste Général, QG des républicains lors du Soulèvement de 1916. En bas, les blasons des quatre provinces d'Irlande, et un lys, symbole du Soulèvement de Pâques.


Un mémorial républicain, commémorant la mémoire de volontaires de l'IRA et d'activistes du Sinn Féin, dans une rue perpendiculaire proche de Falls Road.
J'en voit pas mal ici des mémoriaux aux volontaires de l'IRA.

Au début je ne fais pas trop gaffe, je veux dire, je prenais ça comme ça, à force de voir des mecs armés sur des façades de maisons... Mais en fait, l'IRA c'est/c'était un groupe paramilitaire, considéré comme groupe terroriste par le gouvernement britannique, alors avoir des mémoriaux comme ça, nombreux, bien visibles, avec drapeaux, armes, noms, dates etc, c'est pas rien !!


La fresque du haut rend hommage aux femmes qui ont combattu aux côtés des hommes.
A chaque coin, les blasons des quatre provinces d'Irlande.
En haut à gauche, une femme manifestant pour que les détenus ait le statut politique; à droite, Mairead Farrell, volontaire de l'IRA, morte en service actif en 1988; en bas à gauche, une femme avec en fond une émeute; et en bas à droite, une femme cognant le couvercle d'une poubelle sur le sol, signal utilisé pour avertir de l'arrivée de soldats britanniques dans les quartiers catholiques.
Au centre, une femme avec un pistolet,  probablement devant le Bureau de Poste Général, donc lors du Soulèvement de Pâques 1916. Sûrement une manière de dire que les femmes ont toujours été dans les combats pour une Irlande libre, quelque soit ce qu'elles faisaient !

Sur la fresque du bas, c'est James Connolly, un des leaders de l'insurrection de Pâques 1916.

Détail d'une fresque en mémoire aux Grévistes de la faim, qui m'a fait rire !


Milltown Cemetery


C'est dans ce cimetière qu'on trouve les carrés républicains...



Le carré de l'IRSP (Parti Socialiste Républicain Irlandais, fondé par des dissidents du Sinn Féin en 1974), et sa branche armée,  l'INLA (Armée Irlandaise de Libération Nationale, groupe dissident marxiste de l'IRA Officielle (aile armée du Sinn Féin), considéré comme terroriste par le Royaume-Uni et les Etats-Unis,qui  a déposé les armes en 2009). Leur emblème, le drapeau bleu clair avec les sept étoiles de la constellation du Chariot.

Au milieu, le carré en mémoire aux républicains de la région d'Antrim (région de Belfast) tombés au cours du conflits, de 1798 à nos jours, dont 34 volontaires de l'IRA.

Le nouveau Carré Républicain (2003), avec les tombes de 77 républicains morts pendant le conflit ou au cours de grève de la faim. C'est ici qu'est enterré Bobby Sands.


Sur la route vers le quartier de Ballymurphy...



Ballymurphy


   








Des fresques de commémoration. Sur l'avant-dernière, je crois que c'est CuChulainn, grand héros d'Ulster de la mythologie irlandaise (que j'ai déjà évoqué rapidement à une puis deux occasions, et sur lequel je reviendrais un peu plus tard).

Deux autres fresques de commémoration de volontaires...


"Ne soyez pas peinés, ne parlez de nous avec des larmes, mais riez et parlez de nous comme si nous étions à vos côtés."

A l'entrée nord du quartier de Ballymurphy...

En août 1971, au cours de l'opération Demetrius, qui avait pour but d'arrêter des personnes suspectées d'appartenir à l'IRA (c'est le début de l'internment), le Régiment de Parachutistes (le même que lors du Bloody Sunday de Derry, quelques mois plus tard) pénétra dans le quartier et tua 11 civils en 3 jours.
Les Para clamèrent avoir répliqué à des coup de feu, ce que démentirent les habitants. Ces derniers demandent toujours que la vérité soit faite.

En haut, fresque des obsèques  de Bobby Sands, qui reçus les honneurs militaires, comme tous volontaires de l'IRA. L'IRA bien sûr présente, en tenus militaires et les visages masqués évidemment, tire trois derniers coups de feu au-dessus du cercueil.

Quartier de Norglen Parade.






Voilà pour le West Belfast républicain. Toutes les fresques ne figurent évidemment pas ici. 
Ce quartier est assez sympa, conviviale je trouve, avec Falls Road, ça fait assez petite ville à elle toute seule. C'est vivant.
Mais j'ai voulu en mettre quand même un certain nombre pour donner un aperçu de ce que c'est une ville avec des murals de plusieurs mètres de haut, représentant des hommes et des femmes morts, des armes, des événements historiques fondateurs et destructeurs.
C'est assez impressionnant à voir honnêtement, surtout dans les quartiers plus petits comme ceux de Ballymurphy ou de Norglen Parade, où des fresques de volontaires de l'IRA tout en armes côtoient des enfants sortant de l'école, des visiteurs étrangers, des voitures neuves...


Avant de passer du côté loyaliste, un petit tour dans le centre ville, histoire de voir du monde, d'être dans le présent, et de se changer un peu les idées !!


 Un Black Taxi, beau vieux modèle !
A droite, The Crown Liquor Saloon, pub le plus vieux de Belfast !


Dans le hall du centre commercial rutilant neuf de....., quelques petites filles entament des danses irlandaises.




Devant le City Hall, siège du premier Parlement d'Irlande du Nord en 1921, mairie de Belfast, les pelouses sont pris d'assaut dès qu'il fait beau ! A l'heure du lunch, étudiants, touristes et cadres en costumes et chaussures vernis viennent grignoter leur sandwich ici...



Dans la bibliothèque du centre, les murs sont couverts de veilles affiches des années 70-80. On y trouve des affiches républicaines, loyalistes,... et quelques françaises !




Les quais. 
Belfast est en fait un grand port, à l'embouchure de la Lagan. Et ses quais sont en réalité très célèbres car c'est là que fût construit le Titanic !


Vue sur le centre ville, et derrière Black Hill, depuis les quais.






La fameuse grue H&W, pour Harland and Wolff, la compagnie de construction de navires, qui bâti le Titanic.


Retour dans le centre...






Et le soir, un petit tour au pub ! Ici, le Madden's !


Le lendemain, direction le quartier loyaliste.

Je commence par Sandy Row.

Comme à Derry, on retrouve les bordures de trottoirs aux couleurs de l'Union Jack, et les drapeaux anglais et loyaliste (la croix rouge sur fond blanc, avec le main de l'Ulster surmontée de la couronne d'Angleterre).







Mural à la mémoire de Robert Dugan, ancien de l'UDA (Ulster Defense Army), tué par l'IRA en 1998.
"Quis Separabit" est leur devise, extrait de ......, "Qui nous séparera?" 


"open happiness" ???
J'aime le décalage entre la fresque et la pub Coca...







"Britannique et fière de l'être"
Par contre, le drapeau d'Israël j'ai pas bien compris...


"No Surrender", "Sans reddition", mot d'ordre des troupes protestantes de Guillaume d'Orange, en 1690, lors de la Bataille de la Boyne, qui a vu la victoire de l'armée protestante sur celle catholique de Jacques II.











William III, alias Guillaume d'Orange.
"William III encouragea ses troupes au matin du 12 juillet 1960" (cf. Bataille de la Boyne)


Après Sandy Row, je rejoins le quartier de Shankill.







La main rouge de l'Ulster, version loyaliste:
"Nous sommes fiers, rebelles, accueillants"



Différents symboles loyalistes, comme la main rouge d'Ulster ou la harpe (symbole de l'Irlande) sous la couronne d'Angleterre, et la devise "Quis Separabit".



Bien que la main rouge de l'Ulster soit reprise à la fois par les républicains et les loyalistes, ces derniers reprennent ici le symbole à leur compte, illustrant une des légendes qui en expliquent les origines:
cette légende raconte qu'une fois, le royaume d'Ulster n'avait plus d'héritier légitime, aussi, on organisa une course de navire, et il fût dit que le premier qui toucherait les rives irlandaises serait le nouveau roi. Un des concurrents, très désireux d'accéder au trône, mais se voyant en bien mauvaise posture lors de la course, se coupa la main, et la jeta sur la rive. Etant de cette façon le premier à "toucher" celle-ci, il fut proclamé roi d'Ulster...
[Comme les anglais, il y a de cela bien des siècles, sont eux-mêmes arrivés en Irlande sur leurs navires pour établir sur ces terres leur pouvoir, on comprend pourquoi les loyalistes chérissent cette légende... ndlr]


Un autre mythe tiré des légendes celtiques repris ici par les loyalistes: CuChulainn.
Voilà une belle occasion pour moi de revenir enfin sur ce héro ! Sa légende est faite d'une multitude d'histoires, dont les versions varient encore selon les sources. Voici quelques grandes lignes:
Né de Deichtire, soeur du roi d'Ulster Conchobar Mc Nessa, et de Lugh, dieu suprême de la mythologie celte (qui établit ses quartiers à Dunlewey), CuChulainn est né Setanta, "le chemin". Il acquit le nom de CuChulainn quelques années plus tard quand, ayant tué malencontreusement tué le chien de garde du forgeron Culainn, il se proposa de le remplacer et de veiller lui-même sur le fort en attendant qu'un autre chien soit près à prendre la relève. Setanta devint donc le Chien de garde de Culainn, en irlandais ça donne cu Culainn, CuChulainn.
CuChulainn était un guerrier hors pair, rusé et sans peur, et il perfectionna encore ces aptitudes en suivant les enseignements des plus grands maîtres de magie de son temps, en Ecosse notamment.
Tout ce qu'il accomplit, il l'accomplit dans des dimensions encore jamais atteintes.
L'histoire de sa mort, de toutes les histoires de CuChulainn, est sûrement la plus connue et racontée, "Táin Bó Cúailnge", "The Cattle Raid of Cooley":
La Reine de Connacht Maeve (dont j'ai déjà parlé), vint le combattre en Ulster pour obtenir quelque chose qu'elle convoitait fortement, le taureau brun d'Ulster.
Mais devant les prouesses et les aptitudes de Cuchulainn qui le rendent quasi immortel, la Reine fait appel a des sorcières qui neutralise l'armé d'Ulster. Cuchulainn doit combattre seuls les centaines d'homme de la Reine. Il meurt épuisé, blessé de toute part, face à l'ennemi.




        

Les Blocks H de la prison de Long Kesh sont plus connus pour avoir été les lieux de détention des républicains, mais des loyalistes ont dû y faire un tour également, vue cette fresque en plein quartier loyaliste.


Cette fresque est vraiment dure.
Pour rappel, U.D.U: Ulster Defence Union, organisation politique de la fin du XIXème siècle;
U.D.A: Ulster Defence Association, groupe paramilitaire loyaliste, légal jusque 1992.
U.F.F: Ulster Freedom Fighters, branche armée de l'UDA, "utilisée" pour revendiquer attentats et assassinats, illégale depuis 1973, a déposé les armes sur la demande de l'UDA en 2007.
Cette fresque est particulièrement violente parce ce sniper de l'UFF semble toujours pointé son arme sur la personne qui le regarde, qu'elle soit en face, ou sur le côté, comme sur cette deuxième photo.





William III de nouveau, 1690, bataille de la Boyne...




Red Hand Commando, un autre groupe paramilitaire loyaliste, figure sur la liste des organisations terroristes du Royaume-Uni.


Cette fresque commémore l'été 1969, quand de l'or a été découvert sous un ensemble de bâtiments, qui furent donc détruits...
(N.B: je ne comprenais pas la signification de cette fresque. Voyant l'inscription "Eté '69", je me dit que cela doit avoir un rapport avec les émeutes qui ont commencé cet été là, dont j'ai beaucoup parlé à propos Derry... Mais en fait, aucun rapport...)


Un gros bâtiment abandonnée, un jeune à qui je demande de quoi il s'agit me dit que c'est l'ancien Palais de Justice.

Après avoir fait le tour des fresque du quartier, je me retrouve au milieu, devant cette grande esplanade, et visiblement il s'y prépare quelque chose. Des centaines de palettes alignées, et surtout devant ce gros tas d'herbe et de morceaux de bois, ça fait penser à la préparation d'un gros feu. Mais je me demande vraiment de quoi il peut s'agir, je sais que les protestants/loyalistes commémorent des événements chaque année, mais là, début juin, je ne vois pas...



Je m'approche pour demander, et on me répond que c'est pour la Bataille de la Boyne, que chaque quartier protestant/loyaliste fait ça. Je dis, "-Mais c'est dans plus d'un mois ? - Oui oui! C'est à qui fera le plus grand feu, on prépare à l'avance."



J'avais bien lu que tous les 12 juillet, les protestants/loyalistes commémorent la victoire protestante de Guillaume d'Orange lors de la Bataille de la Boyne, en 1690. Mais j'étais loin d'imaginer que les gens s'y mettaient plus d'un mois à l'avance, en ramenant des centaines et des centaines de palettes pour nourrir des feux gigantesques, dans tous les coins de la ville...


Retour sur Shankill Road...













La dernière case, en bas à droite, est pas mal dans le genre...



J'aime toujours ce "décalage" entre des fresques très militaires ou tournées vers le passé, et la vie de tout les jours qui passe devant...






De nouveau, dans un autre endroit de Shankill, on se prépare pour le 12 juillet.



J'ai évoqué un "mur" un peu plus haut... M'y voilà. Ici, on appelle ça "Peace Line", (ligne de paix).



Des murs qui séparent des communautés catholiques et protestantes en Irlande du Nord, il y en a 52.
Soit un total d'environ 35 km.
Les tronçons peuvent aller de quelques mètres à 5 km de long.
Le premier tronçon date de 1969. Le dernier... de 2008.

Belfast compte à elle seule 42 "Peace Lines".
Celui-là court le long de Cupar Street Upper depuis 1969, et sépare Falls Road de Shankill Road.
Les portes comme montrées plus haut sont les endroits de passage.



On a commencé à élever ces murs en 1969, au début des "Troubles", après les premières émeutes.
Ils ne devaient rester là que six mois...
Mais ils ont duré, et se sont multipliés.

Ces murs ont été bâtis dans des endroits appelés "interface areas", c'est-à-dire des espaces de jonction ou de contact entre les deux communautés, et le but était de réduire ou minimiser les violences entre les deux, les violences inter-communautaires.
D'où les portes vues plus haut sont ouvertes le jour mais pas la nuit, et le dimanche depuis seulement quelques années.
(Autant dire que chaque 12 juillet, les portes restent fermées...)







Une étude de septembre dernier faite par l'université d'Ulster rapporte que parmi les riverains des "peace lines", 69% estiment ceux-ci nécessaires à cause du potentiel de violences toujours présent, et 58% aimeraient voir les murs abattus maintenant ou d'ici quelques temps.
De manière plus générale, parmi les irlandais du Nord, 78% croient que la ségrégation des communautés est courante, même là où il n'y a pas de murs.
En attendant que les autorités bougent, des concertations sont organisées, des initiatives sont prises pour rapprocher les communautés, comme ce travail initié par des femmes de Shankill et de Falls Road, sur leur expérience du mur près duquel elles vivent, de part et d'autre, qui a donné une exposition, "Walk the Walk", au Centre Culturel Gaëlique de Belfast, sur Falls Road. 




Bon, voilà, c'était mon petit tour des quartiers loyalistes et républicains ! Il y en a d'autres encore, Belfast c'est grand, et je n'ai pas tout fait !
Et encore un fois, je suis loin de rapporter ici toutes les histoires et toutes fresques de ces endroits ! Petite précision d'ailleurs, autant celles des quartiers catholiques de Derry sont les œuvres d'un collectif d'artistes affiché, autant ici, je ne sais rien des auteurs de tous ces murals.

Encore une fois, je trouvais important de montrer cet aspect, ici de Belfast, qui reste assez mal connu. J'avais envie de mettre un peu de lumière là-dessus, et envie de montrer un peu l'ambiance que ça peut créer ici...


Pour finir, un dernier tour dans le centre. Et ce jour-là, c'est vraiment la fête, il fait 21°C !!!!!!!
Sous cette chaleur dingue (!), les mecs sortent torses-nus, et les enfants jouent dans les fontaines ! Haha








Un dernier tour au pub, le Kelly's cette fois-ci...




Liens, textes, documents,...:
http://cain.ulst.ac.uk/, vraiment une excellente ressource;
http://www.wesleyjohnston.com/users/ireland/past/troubles/troubles_stats.html, détai des victimes des Troubles, selon l'appartenance religieuse, les responsables, les lieux, l'âge,...;
http://on-the-irish-road.blogspot.fr/2013/05/21-22-23-mai-2013-derry-bon-derry-mon.html, mon article sur Derry, pour d'autres fresques, et article dans lequel j'ai plus parlé des événements historiques de la période des Troubles;
http://news.ulster.ac.uk/releases/2012/6560.html, étude sur les Peace Lines en Irlande du Nord;
http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/northern_ireland/8121228.stm, le détail des Peace Lines en Irlande du Nord;
http://www.coiste.ie/map/, carte interactive des fresques de Falls Road, Belfast;
http://muralsirlandedunord.over-blog.com/article-3413365.html, le blog d'un français qui répertorie quasi tous les murals de Belfast.